La grande douleur que je porte | La grant doulour que je porte |
Voici venu le très aimable mois de mai | Or est venu le très gracieux moys de May |
La grand(e) douleur que je porte Est si âpre et si très forte Qu'il n'est rien qui conforter Me pourrait ni apporter Joie, ains(i) voudrait être morte. Puisque je perds mes amours, Mon ami, mon espérance Qui s'en va, dans quelques jours, Hors du royaume de France Demeurer, (hé)las ! il emporte Mon coeur qui se déconforte (*); Bien se doit déconforter (*) Car jamais joie conseiller Ne me peux, dont se déporte (*) La grand(e) douleur que je porte. Si n'aurais jamais secours Du mal qui met à outrance Mon coeur las, qui noie en plo(e)urs Pour la dure départance (*) De cel(ui) qui ouvre la porte De ma mort et que m'exhorte Désespoir, qui rapporter Me vient deuil et emporter Ma joie, et deuil me rapporte La grand(e) douleur que je porte. se déconforter : se désespérer se déporter : être privé départance : absence Début | Fin |
La grant doulour que je porte Est si aspre et si tres forte Qu'il n'est riens qui conforter Me peüst ne aporter Joye, ains vouldroie estre morte. Puis que je pers mes amours, Mon ami, mon esperance Qui s'en va, dedens briefs jours, Hors du royaume de France Demourer, lasse ! il emporte Mon cuer qui se desconforte ; Bien se doit desconforter, Car jamais joye enorter Ne me peut, dont se deporte La grant doulour que je porte. Si n'aray jamais secours Du mal qui met a oultrance Mon las cuer, qui noye en plours Pour la dure departance De cil qui euvre la porte De ma mort et que m'enorte Desespoir, qui raporter Me vient dueil et emporter Ma joye, et dueil me raporte La grant doulour que je porte. Début | Fin |
Voici venu le très aimable mois de mai, le gai, qui a tant de douceur Que les vergers, les buissons et les bois Sont tout chargés de verdure et de fleurs Et toute chose se réjouit. Parmi les champs tout fleurit et verdoie, Et il n'est rien qui n'oublie ses soucis, Par la douceur du jolis mois de mai. Les oisillons vont chantant de plaisir, Tout s'éjouit partout communément, Sauf moi, hélas ! qui souffre trop de peine, Parce que loin je suis de mon amour Et je ne peux avoir de joie. Et plus est gai le temps et plus me peine. Mais mieux connait si une fois s'étonne, Par la douceur du joli mois de mai. J'ai déploré en pleurant maintes fois, Il me manque celui dont n'ai secours. Et maux d'amour encor plus forts connais, Les dommages, les assauts et les tours. En ce doux temps, que je me rende encor n'ai fait; car cela me détourne Du grand désir que plus trop ferme n'ai, Par la douceur du joli mois de mai. Début | Fin |
Or est venu le très gracieux moys De May le gay, ou tant a de doulçours, Que ces vergiers, ces buissons et ces bois, Sont tout chargiez de verdeur et de flours, Et toute riens se resjoye. Parmi ces champs tout flourist et verdoye, Ne il n'est riens qui n'entroublie esmay, Pour la doulçour du jolis moys de May. Ces oisillons vont chantant par degois, Tout s'esjouït partout de commun cours, Fors moy, helas ! qui sueffre trop d'anois, Pour ce que loings je suis de mes amours; Ne je ne pourroye avoir joye, Et plus est gay le temps et plus m'anoye. Mais mieulx cognois adès s'oncques amay, Pour la doulçour du jolis moys de May. Dont regreter en plourant maintes fois Me fault cellui, dont je n'ai nul secours; Et les griefs maulx d'amours plus fort cognois, Les pointures, les assaulx et les tours. En ce doulz temps, que je n'avoye Oncques mais fait; car toute me desvoye Le grand desir qu'adès trop plus ferme ay, Pour la doulçour du jolis moys de May. Début | Fin |