Poèmes de Guillaume de Machaut

(1300-1377)



Fin

Ballade de ceux qui ont perdu leur temps en amour  Ballade de ceulz qui ont perdu leur temps en amer
De Fortune me dois plaindre et louer  De Fortune me doy pleindre et loer


Ballade de ceux qui ont perdu leur temps en amour

Modernisation du texte par Maurice des Ulis (l'original suit)
Puisque je vois que j'ai mon temps perdu
Par ma franchise et loyauté d'aimer,
Fidélité ne m'a pas secouru
Du désespoir, je veux tout oublier,
Et désormais laisser désir tranquille,
Car nul ne peut être tenu pour sage
Qui femme croit; si ce n'est sur bon gage.

Je l'aperçois car d'être bien déçu
Je suis resté d'avoir cru le parler
De celle qui m'a comme fol tondu,
Fait longuement par son regard muser,
Et m'a appris qu'il faut se méfier.
Déçu sera celui usuellement
Qui femme croit; si ce n'est sur bon gage.

Certainement que si j'avais connu
Dès le début la nature d'aimer
Je n'aurais pas si longtemps attendu
Pour reprendre tous les gages donnés.
Il est trop tard, je n'y vois nul remède;
Honte sur lui et jusqu'à son lignage
Qui femme croit; si ce n'est sur bon gage.


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Ballade de ceulz qui ont perdu leur temps en amer

version originale
Puisque je voy que j'ay le temps perdu
Par simplece de loyaument amer
Et foy porter ne m'a pas secouru
Sur desespoir, je vueil tout oublier,
Et des or mais laissier desir ester,
Car nulz ne doit estre tenuz pour sage
Qui femme croit se ce n'est sur bon gage.

Je l'aperçoy à ce que deceü
En ay esté pour croire le parler
De celle qui m'a comme fol tondu
Fait longuement en son regart muser
Et m'a apris c'on ne doit pas cuidier
Et que faillir doit celui par usage
Qui femme croit se ce n'est sur bon gage.

Certainement, se j'eusse congneü
Au premerain la nature d'amer,
Je n'eusse mie tant com j'ai atendu
D'entreprendre sus ces choses gaigier.
Or est trop tart, n'i voy nul recovrier;
Hormi soit-il et trestout son lignage
Qui femme croit se ce n'est sur bon gage.

Début | Fin


De Fortune me dois plaindre et louer

Modernisation du texte par Maurice des Ulis (l'original suit)
De Fortune me dois plaindre et louer
A mon avis, plus qu’autre créature
Car quand commençait à peine à l’aimer
Mon coeur, mon amour, ma pensée, ma cure (ma préoccupation)
M’ont si bien mis en plaisir
Que mon souhait ne pouvait que faillir
Qu’en ce monde ne fut jamais trouvé
Dame qui serait aussi bien dotée. (favorisée)

Je ne peux penser ni imaginer
Ni croire en moi que jamais la Nature
Du plus qu’on peut bel et bien désirer
Ne put faire aussi parfaite figure
Qu’elle, ou sinon mon désir
Est et sera pour toujours sans partir ; (demeurera)
Aussi je crois que jamais ne fut née
Dame qui serait aussi bien dotée.

Las ! Je ne peux en ce point demeurer
Car Fortune qui jamais ne fut sure
Vient sa roue à mon encontre tourner
Et mon coeur las mettre en déconfiture.
Fidèle, jusqu’au mourir
Veux ma douce amie aimer et chérir.
Jamais n’aurait une fausse pensée
Dame qui serait aussi bien dotée.

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De Fortune me doy pleindre et loer.

version originale
De Fortune me doy pleindre et loer
Ce m'est avis, plus qu'autre creature
Car quant premiers encommancay l'amer
Mon cuer, m'amour, ma pensee, ma cure
Mis si bien a mon plaisir
Qu'a souhaidier peusse je faillir
N'en ce monde ne fust mie trouvee
Dame qui fust si tres bien assenee.

Car je ne puis penser n'ymaginer
Ne dedens moy trouver c'onques Nature
De quanqu'on puet bel et bon appeller
Peust faire plus parfaite figure
De celui, ou mi desir
Sont et seront a tous jours sans partir;
Et pour ce croy qu'onques mais ne fu nee
Dame qui fust si tres bien assenee.

Lasse! or ne puis en ce point demourer
Car Fortune qui onques n'est seure
Sa roe wet encontre moy tourner
Pour mon las cuer mettre a desconfiture
Mais en foy, jusqu'au morir
Mon dous ami weil amer et chierir.
C'onques ne dut avoir fausse pensee
Dame qui fust si tres bien assenee.

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