Ballade de ceux qui ont perdu leur temps en amour | Ballade de ceulz qui ont perdu leur temps en amer |
De Fortune me dois plaindre et louer | De Fortune me doy pleindre et loer |
Puisque je vois que j'ai mon temps perdu Par ma franchise et loyauté d'aimer, Fidélité ne m'a pas secouru Du désespoir, je veux tout oublier, Et désormais laisser désir tranquille, Car nul ne peut être tenu pour sage Qui femme croit; si ce n'est sur bon gage. Je l'aperçois car d'être bien déçu Je suis resté d'avoir cru le parler De celle qui m'a comme fol tondu, Fait longuement par son regard muser, Et m'a appris qu'il faut se méfier. Déçu sera celui usuellement Qui femme croit; si ce n'est sur bon gage. Certainement que si j'avais connu Dès le début la nature d'aimer Je n'aurais pas si longtemps attendu Pour reprendre tous les gages donnés. Il est trop tard, je n'y vois nul remède; Honte sur lui et jusqu'à son lignage Qui femme croit; si ce n'est sur bon gage. Début | Fin |
Puisque je voy que j'ay le temps perdu Par simplece de loyaument amer Et foy porter ne m'a pas secouru Sur desespoir, je vueil tout oublier, Et des or mais laissier desir ester, Car nulz ne doit estre tenuz pour sage Qui femme croit se ce n'est sur bon gage. Je l'aperçoy à ce que deceü En ay esté pour croire le parler De celle qui m'a comme fol tondu Fait longuement en son regart muser Et m'a apris c'on ne doit pas cuidier Et que faillir doit celui par usage Qui femme croit se ce n'est sur bon gage. Certainement, se j'eusse congneü Au premerain la nature d'amer, Je n'eusse mie tant com j'ai atendu D'entreprendre sus ces choses gaigier. Or est trop tart, n'i voy nul recovrier; Hormi soit-il et trestout son lignage Qui femme croit se ce n'est sur bon gage. Début | Fin |
De Fortune me dois plaindre et louer A mon avis, plus qu’autre créature Car quand commençait à peine à l’aimer Mon coeur, mon amour, ma pensée, ma cure (ma préoccupation) M’ont si bien mis en plaisir Que mon souhait ne pouvait que faillir Qu’en ce monde ne fut jamais trouvé Dame qui serait aussi bien dotée. (favorisée) Je ne peux penser ni imaginer Ni croire en moi que jamais la Nature Du plus qu’on peut bel et bien désirer Ne put faire aussi parfaite figure Qu’elle, ou sinon mon désir Est et sera pour toujours sans partir ; (demeurera) Aussi je crois que jamais ne fut née Dame qui serait aussi bien dotée. Las ! Je ne peux en ce point demeurer Car Fortune qui jamais ne fut sure Vient sa roue à mon encontre tourner Et mon coeur las mettre en déconfiture. Fidèle, jusqu’au mourir Veux ma douce amie aimer et chérir. Jamais n’aurait une fausse pensée Dame qui serait aussi bien dotée. Début | Fin |
De Fortune me doy pleindre et loer Ce m'est avis, plus qu'autre creature Car quant premiers encommancay l'amer Mon cuer, m'amour, ma pensee, ma cure Mis si bien a mon plaisir Qu'a souhaidier peusse je faillir N'en ce monde ne fust mie trouvee Dame qui fust si tres bien assenee. Car je ne puis penser n'ymaginer Ne dedens moy trouver c'onques Nature De quanqu'on puet bel et bon appeller Peust faire plus parfaite figure De celui, ou mi desir Sont et seront a tous jours sans partir; Et pour ce croy qu'onques mais ne fu nee Dame qui fust si tres bien assenee. Lasse! or ne puis en ce point demourer Car Fortune qui onques n'est seure Sa roe wet encontre moy tourner Pour mon las cuer mettre a desconfiture Mais en foy, jusqu'au morir Mon dous ami weil amer et chierir. C'onques ne dut avoir fausse pensee Dame qui fust si tres bien assenee. Début | Fin |