Les embarras de Paris (extrait) | A mon jardinier (extraits) |
Qui frappe l'air, bon Dieu ! de ces lugubres cris ? Est-ce donc pour veiller qu'on se couche à Paris ? Et quel fâcheux Demon durant les nuits entieres, Rassemble ici les chats de toutes les goutieres ? J'ai beau sauter du lit plein de trouble et d'effroi, Je pense qu'avec eux tout l'Enfer est chez moi, L'un miaule en grondant comme un tigre en furie : L'autre roule sa voix comme un enfant qui crie. Ce n'est pas tout encor. Les souris et les rats Semblent, pour m'éveiller, s'entendre avec les chats, Plus importuns pour moi, durant la nuit obscure, Que jamais, en plein jour, ne fut l'Abbé de Pure. Tout conspire à la fois à troubler mon repos : Et je me plains ici du moindre de mes maux. Car à peine les coqs, commençant leur ramage, Auront de cris aigus frappé le voisinage Q'un affreux Serrurier, que le Ciel en courroux A fait, pour mes pechez, trop voisin de chez nous, Avec un fer maudit, qu'à grand bruit il apreste, De cent coups de marteau me va fendre la teste. J'entends déjà par tout les charettes courir, Les massons travailler, les boutiques s'ouvrir : Tandis que dans les airs mille cloches émuës, D'un funèbre concert font retentir les nuës, Et se mêlant au bruit de la gresle et des vents, Pour honorer les morts, font mourir les vivans. Début | Fin |
... Antoine, de nous deux, tu crois donc, je le voi, Que le plus occupé dans ce jardin, c'est toi. Oh ! que tu changerais d'avis et de langage, Si, deux jours seulement, libre du jardinage, Tout à coup devenu poète et bel esprit, Tu t'allais engager à polir un écrit Qui dît, sans s'avilir, les plus petites choses, Fît des plus secs chardons des oeillets et des roses, Et sût même au discours de la rusticité Donner de l'élégance et de la dignité. ... Bientôt, de ce travail devenu sec et pâle, Et le teint plus jauni que de vingt ans de hâle, Tu dirais reprenant ta pelle et ton râteau : "J'aime mieux mettre encor cent arpents au niveau, Que d'aller follement, égaré dans les nues, Me lasser à chercher des visions cornues, Et pour lier des mots si mal s'entr'accordants, Prendre dans ce jardin la lune avec les dents." Approche donc, et viens ; qu'un paresseux t'apprenne, Antoine, ce que c'est que fatigue et que peine. L'homme ici-bas, toujours inquiet et gêné, Est, dans le repos même, au travail condamné. La fatigue l'y suit. C'est en vain qu'aux poètes Les neufs trompeuses Soeurs, dans leurs douces retraites, Promettent du repos sous les ombrages frais : Dans ces tranquilles bois, pour eux plantés exprès, La cadence aussitôt, la rime, la césure, La riche expression, la nombreuse mesure, Sorcières, dont l'amour sait d'abord les charmer, De fatigues sans fin viennent les consumer. Sans cesse poursuivant ces fugitives fées, On voit sous les lauriers haleter les Orphées. Début | Fin |